LES SPÉCIFICITÉS DE LA SUPERVISION GESTALTISTE
Répondre à cette question n’est pas tenter de faire une hiérarchie entre différentes approches de supervision. Nous souhaitons simplement mettre en lumière les éléments clefs de la posture qui donnent cette couleur particulière à la supervision gestaltiste et montrer les apports spécifiques pour nos coachs supervisés.
La supervision, de manière générale, couvre les objectifs suivants :
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Permettre un regard extérieur sur sa pratique de coach ( éclairer, protéger, ouvrir …)
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Se développer professionnellement (méthodologies, théorie, connaissance entreprise, business …)
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Garantir une exigence déontologique du métier de coach (limiter, protéger le coach et le client)
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Plus globalement soutenir le coach (développement d’un réseau, meilleur écologie personnelle, mise en confiance)
La supervision Gestaltiste répond à ces différents objectifs mais permet aussi de développer d’autres dimensions :
- Le développement de l’être au monde du coach
- Une approche globale autour du développement des dimensions corporelles, émotionnelles et imaginaires du coach et de ses coachés
- L’apprentissage de l’expérimentation
- L’implication globale du superviseur
- L’Epoché et le développement de la responsabilité
- L’utilisation du groupe dans l’ici et maintenant
- Le soutien de l’inconfort
Le développement de l’être au monde du coach.
Une des premières spécificités de la supervision gestaltiste est le développement de l’être au monde du coach. En effet, dans la pratique gestaltiste, le coach est « l’instrument » au service du processus du client. De ce fait il doit développer et s’appuyer non seulement sur ses capacités intellectuelles, théoriques et réflexives, mais aussi sur ses compétences affectives (et réflexives). Sa propre manière d’être en contact avec el monde, le développement de la conscience de lui-même sont des éléments fondamentaux de la réussite du coaching. C’est pourquoi la supervision gestaltiste va laisser une large place à ce développement de l’être au monde du coach, de sa propre manière d’appréhender l’autre et el monde : comment se confronte-t-il ? quel est son aller ? quelle est son propre processus pour entrer ou clôturer le contact ? ….
Nous n’allons pas forcément tenter de résoudre toutes les problématiques du coach en supervision, mais nous allons les travailler à l’occasion des situations et éclaire ces dimensions pour qu’il puisse aller les explorer dans son travail personnel.
Une approche globale autour des dimensions corporelles, émotionnelles et imaginaires.
Une vision holistique.
Le coaching et donc la supervision gestaltiste donnent une place prépondérante aux dimensions corporelle, émotionnelle et imaginaire. Par exemple, lors de l’exposé d’une situation par un coach au sein du groupe, le feed-back ne va pas porter en premier lieu sur l’analyse intellectuelle et méthodologique du « cas » mais par une exploration des dimensions sensorielles, émotionnelles et imaginaires du coach, des participants au groupe, du superviseur. Comment le coach est impacté par cette situation et ce client ? qu’est-ce que les personnes du groupe ressentent ou imaginent en entendant le coach parler de sa situation ? c’est par ce biais et en dépliant lentement ces différentes dimensions que des pistes de sens, d’intervention et de compréhension vont émerger et se co-construire.
La spécificité de l’approche corporelle en Gestalt permet aussi un impact plus fort en supervision et une transformation plus en profondeur. La mise en mouvement corporel est donc beaucoup utilisé dans nos supervisions au service du processus du coach et de son client.
L’expérimentation.
En s’appuyant sur les différentes dimensions citées plus haut, la supervision gestaltiste va permettre l’apprentissage de la création d’expérimentations. Ces expérimentations vont permettre à la fois de déplier ce qui se passe dans la situation (soutien de la prise de conscience) mais aussi de créer du nouveau pour le coach et le client. Nous soutenons notamment l’utilisation des expérimentations corporelles au sein même des groupes de supervision afin de modéliser les possibilités d’interventions possibles pour le coach.
L’implication différente du superviseur.
Le superviseur gestaltiste n’est pas un sachant et va lui-même s’impliquer corporellement, émotionnellement et avec son imaginaire. Il va se laisser impacter par le coach, son récit, le client, le groupe. Il va faire une observation phénoménologique et va partager ce qu’il vit dans la situation comme un éclairage possible. L’analyse est bien sûr permise et bienvenue, mais il va s’impliquer de manière holistique pour soutenir el processus du coach.
L’Epoché et le développement de la responsabilité.
Beaucoup de nos supervisés soulèvent dans leurs feed-back l’absence de jugement dans nos groupes, l’acceptation et le développement de la singularité de chacun. Il n’y a pas une solution, une seule voie, il y a des options en lien avec la singularité du coach et de la situation. L’Epoché n’empêche pas la confrontation, au contraire elle la favorise. Mais il ne s’agit pas de savoir si c’est bien ou mal, intelligent ou stupide, mais de partager son vécu à l’occasion du coach et de son client et de voir en quoi ça parle de la situation à « résoudre ». Aussi ce n’est pas la méthode qui va être mise en avant au premier plan, mais la manière spécifique de chacun de l’appréhender.
De même l’Epoché va permettre aussi de travailler de manière plus libre sur la responsabilité du coach dans ce qui se passe avec son client, pas comme un jugement mais une curiosité et un apprentissage. Un des fondements de la Gestalt est l’indissociabilité Organisme/environnement. Nous sommes donc amenés à observer comment le coach participe au « blocage » ou au déploiement du client, comment ils co-créent la situation. De même le superviseur va regarder comment lui aussi il participe au « blocage » ou au déploiement du coach.
Aussi sur des situations plus pathologiques, notre travail de supervision ne consiste pas seulement à faire un diagnostic, mais aussi à explorer comment le coach peut « provoquer » l’émergence du mouvement pathologique et peut aller à la rencontre de l’autre.
L’utilisation du groupe dans l’ici et maintenant
Dans tout groupe de supervision, la co-responsabilité et el co-développement doivent être favorisés. Mais ici nous allons plus loin : l’éclairage de la situation va passer par l’éclairage de ce que cela crée dans l’ici et maintenant du groupe. Cela va donner une mine d’informations nouvelles et éclairantes. Nous sommes donc très attentifs aux phénomènes de résonances dans le groupe, à la manière dont ce qui se passe dans le groupe parle de la situation du coach avec son client. Nous développons donc de manière différente ce que Jean-Marie Delacroix appelle « la fonction supervisante du groupe ».
Le soutien de l’inconfort.
La supervision est là pour soutenir le processus de développement du coach mais notre posture invite à ne pas chercher à sortir trop vite notre client de son inconfort (coaché ou coach).
Le superviseur gestaltiste va avoir une posture de curiosité de ce que vit le coach au contact de son client, pour ce qui est difficile pour lui sans chercher à amener des solutions ou du nouveau trop rapidement. Nous cherchons à soutenir l’éprouvé du coach, même s’il est désagréable, afin de lui permettre de ressentir pleinement ce qui se joue pour lui dans la situation, de repérer en quoi cela parle du vécu du client et de ce fait de laisser émerger un processus d’intervention ajusté. Ce type d’intervention permet également de modéliser ce que le coach pourra faire avec son client : avoir foi dans le processus, tenir dans l’inconfort au service de la croissance de son client.
Sans être exhaustifs, nous voulions vous éclairer sur les spécificités de la supervision gestaltiste.
Pour nous en quelques mots, elle nous paraît faire progresser aussi bien la pratique que l’être au monde du coach. Et le lieu de supervision devient alors le laboratoire même de la croissance du coach